Le professeur Postol (MIT) et l'utilisation des armes chimiques en Syrie.


Extraits de l'interview accordée par le professeur Postol au site les-crises.fr, à propos de l'attaque à l'arme chimique dans les banlieux de Damas en août 2013 :

"En poursuivant notre analyse de la roquette à agent neurotoxique, nous avons conclu que l’arme avait une portée de seulement deux kilomètres. L’évaluation de l’impact de l’arme chimique menée de manière indépendante par les Nations Unies est en total accord avec ce que nous avons trouvé. Ce détail technique apparemment mineur a des implications majeures. La  Maison-Blanche a publié un compte-rendu des renseignements américains en septembre 2013, qui comporte une affirmation fondamentale : l’attaque chimique a été lancée depuis des zones contrôlées par le gouvernement syrien. Cela n’aurait pu être le cas que si l’arme avait eu une portée de 10 kilomètres environ.

Une des questions les plus intéressantes que soulève notre analyse de l’attaque à l’agent neurotoxique du 21 août 2013 est la suivante : comment est-il possible que la Maison-Blanche produise un rapport des renseignements manifestement tellement inexact, contenant des affirmations fausses à propos de données censées montrer selon eux que le gouvernement syrien était à l’origine de l’attaque chimique...

Quand nous avons commencé à diffuser la nouvelle que l’arme chimique avait une portée limitée à deux kilomètres, Higgins a immédiatement commencé à mettre en doute nos résultats. Il n’avait pas la plus élémentaire compréhension technique de la nature des calculs que nous avions faits pour montrer que l’arme avait une portée de deux kilomètres seulement. Il nous a posé des questions si peu pertinentes sur nos calculs techniques qu’il était clair qu’il n’avait pas la moindre idée de ce dont il parlait.

Dans l’intervalle, nous sommes entrés en communication avec Dan Kaszeta, un bon alter ego de Higgins. M. Kaszeta se présentait comme un expert en armes chimiques mais comme Higgins, il s’est révélé être un gigantesque imposteur. Il a prétendu avoir des preuves de l’implication du gouvernement syrien pour le sarin utilisé pendant l’attaque. Mais l’échange que j’ai eu avec Kaszeta a montré clairement et sans ambiguïté que Mr. Kaszeta est un imposteur qui n’a pas la moindre idée de ce dont il parle. Si M. Higgins et M. Kaszeta s’y connaissaient en produits neurotoxiques, ils se seraient immédiatement demandé comment quelques litres de ce produit pouvaient avoir eu un impact aussi important sur un périmètre aussi large. 

Le fait que Le Monde puisse citer quelqu’un comme Eliot Higgins, qui est en fait une sorte de producteur de fake news, souligne violemment le manque de vigilance éditoriale du Monde. Un tout petit effort de la part de la rédaction du Monde aurait suffi à constater qu’on peut dire que M. Higgins est en fait une sorte de pourvoyeur de fake news. Au lieu de cela, les rédacteurs en chef du Monde semblent avoir donné leur imprimatur à Higgins en tant que source d’information sérieuse…

Je ne vise pas spécifiquement Le Monde, vous devez aussi savoir que j’ai le même avis (et la preuve irréfutable) de la légèreté du contrôle éditorial du New York Times et du New Yorker, qui ont tous deux publié quelques-unes des élucubrations de Higgins et de son collègue Kaszeta. Tout journaliste ou organe de presse qui considère que Bellingcat peut être un vecteur d’information vraiment fiable démontre simplement qu’il n’a guère fait de vérification des évènements qui sont présentés de manière biaisée sur Bellingcat.

Je crois qu’il y a un danger qui s’accroît de guerre nucléaire accidentelle avec la Russie. Je pense que la politique actuelle de confrontation entre la Russie et l’Occident et, en particulier, entre la Russie et les Américains est potentiellement dangereuse. Les deux pays sont très conscients des conséquences catastrophiques qu’aurait l’utilisation d’armes nucléaires par l’une ou l’autre partie, aussi je pense qu’ils vont être tous deux très prudents – mais je pense que le danger existe, oui."

Le rapport complet du MIT.