La Russie de Vladimir Poutine


Toute la presse occidentale répète aujourd'hui à l'unisson que Vladimir Poutine est un dictateur épouvantable qui mène son pays à la ruine. Les gens vivraient dans la misère, ils seraient prisonniers d'une propagande qui les matraquerait en permanence, la population s'effondrerait, tous les opposants seraient systématiquement assassinés, le président serait lui-même une espèce de fou mégalomane ne songeant qu'à envahir ses voisins. L'outrance de tels propos devrait suffire à éveiller la méfiance de la plupart des citoyens européens. Qu'en est-il en réalité? Nous n'avons évidemment pas la place ici de livrer un tableau complet de la Russie moderne, mais nous allons tenter tout de même de redresser un certain nombre de contrevérités flagrantes.

Avant toute chose, pour juger de l'action du président actuel, il faut se rappeler ce qu'était la Russie à la fin des années 1990, lorsqu'il est arrivé au pouvoir. Après 70 ans de communisme, et 10 d'anarchie absolue sous le président Eltsine, la Russie s'était quasiment effondrée. En 1998, l'État était en situation de défaut de paiement, et donc en faillite. Les experts américains étaient persuadés que le pays allait rapidement se disloquer, et regardaient d'ailleurs cette perspective avec une certaine joie. La corruption atteignait des sommets inouïs, quelques « oligarques », en réalité des mafieux à la mode sicilienne, s'étaient emparés des plus grosses entreprises de l'État, pillaient toutes les richesses du pays pour leur seul profit, et vendaient les derniers bijoux de famille encore présentables aux entreprises américaines.

Pour qui a un minimum de mémoire, il est bien évident que la Russie aujourd'hui s'est redressée, et n'a plus rien à voir avec cette espèce d'État mendiant qu'elle était il y a une quinzaine d'années. Faisons donc rapidement un tour d'horizon des points essentiels les plus souvent abordés dans la presse.


L'état actuel de l'économie russe

Est-elle vraiment en si piteux état, et Poutine a-t-il effectivement ruiné son peuple ?

Voici un tableau qui montre l'évolution du revenu national par habitant en Russie de 1990 à 2013 : on constate que depuis son arrivée au pouvoir, ce revenu a quasiment été multiplié par cinq. 


Par comparaison, quelques autres données pour 2014 :  : 

Russie : 24 710

France : 39 720

Grèce : 26 130

Hongrie : 23 830

Italie : 34 710

Pologne : 24 090

Source : banque mondiale.

La pauvreté a-t-elle gagné la population, comme le racontent tous nos journaux ? Le tableau suivant montre que le pourcentage des gens vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 25 % à 11 % en une dizaine d'années.

C'est évidemment cette augmentation formidable des revenus et cette chute de la pauvreté qui est à l'origine de la popularité extraordinaire du président, qui frôle aujourd'hui les 90 %. Nos journaux prétendent qu'il faut l'attribuer à la "propagande", comme si les Russes avaient besoin de regarder la télévision pour savoir combien ils gagnent, et comment évolue leur pouvoir d'achat.

Puisque notre presse soi-disant bien informée dénonce une prétendue augmentation de la pauvreté en Russie, regardons ce qui se passe actuellement en Allemagne et en France ; chez nos voisins d'outre-Rhin, le taux en question est passé de 14 % 2006 à 15,5 % en 2013, et se trouve donc quatre points et demi au-dessus du taux russe. En France également, ce taux est en augmentation, et actuellement au-dessus du chiffre russe.


Le PIB de la Russie

A en croire notre presse, le pays serait ruiné. Cependant, la dernière évaluation de la banque mondiale place en 2014 la Russie devant l'Allemagne, en parité de pouvoir d'achat, au cinquième rang des puissances économiques de la planète.



Les États-Unis auraient réussi à isoler la Russie sur le plan économique, en particulier en l'excluant du G7, et d'après Barak Obama, elle n'aurait aucun avenir ; cependant, les quatre puissances les plus importantes des Brics se trouvent parmi les huit premières puissances mondiales; les Brics forment aujourd'hui un ensemble aussi puissant que le G7.

Le montant de la dette

malgré une forte en hausse prévisible en 2015, le niveau d'endettement de la Russie demeurera le plus faible du monde : moins de 18%, un chiffre exceptionnellement bas, à comparer aux 95% de la France, et aux presque 103% des USA. Le montant total de cette dette reste inférieur aux réserves en devises du pays; on voit là ce que valent les discours alarmistes sur un prétendu risque de défaut de paiement de la Russie. 

Le déficit budgétaire

Malgré l'impact supposé des sanctions et la chute des cours du pétrole, il demeure très faible, moins de 0.5 %. Là aussi, un des meilleurs chiffres des grandes puissances de la planète. Seuls 3 pays font mieux : le Canada, l'Allemagne, et la Suisse. 


La production agricole

On entend dire en permanence que la Russie aurait même des difficultés à se nourrir; cela était un peu vrai il y a 15 ans; or, les céréales russes de bonne qualité et à des prix de 16% inférieurs aux prix américains font que plusieurs pays importateurs de blé préfèrent désormais la Russie aux Etats-Unis, a rapporté l'agence Bloomberg.

"Les Etats-Unis perdent leur position dominante sur le marché global depuis deux décennies, alors que la région de la mer Noire (qui comprend entre autres la Russie et l'Ukraine) augmente ses livraisons de céréales. Les acheteurs traditionnels de blé américain achètent de plus en plus souvent des céréales en Russie", d'après cette agence.

La récente chute du rouble a permis de rendre les produits exportés russes plus compétitifs à l'étranger. 

Les céréales américaines ont toujours représenté 90% du blé importé par l'Egypte, le premier importateur mondial de céréales. Mais en 2014, les Etats-Unis n'ont représenté que 7% des importations égyptiennes et la part de la Russie a atteint 25%, a annoncé l'Autorité générale égyptienne de l'approvisionnement en produits de base (GASC). 

Le Nigeria, plus grande économie du continent africain et ancien importateur numéro un de blé américain, a réduit d'environ 50% ses achats de céréales aux Etats-Unis ces cinq dernières années. La région de la mer Noire représente 17% des importations nigérianes contre 1% en 2013, selon le ministère américain de l'Agriculture.

Selon les prévisions du ministère américain de l'Agriculture, la Russie exportera une quantité record de 23 millions de tonnes de blé en 2015, se situant au second rang derrière les Etats-Unis (25,2 millions de tonnes). La part des Etats-Unis sur le marché mondial des céréales a chuté de 30% en 2008 à 16% en 2014.



La population russe

L'hebdomadaire Le point a publié en septembre 2015 un long article tendant à démontrer que la population russe était en train de s'effondrer ; toujours pour démontrer à quel point Vladimir Poutine serait un mauvais président ; le problème est que l'auteur de l'article s'appuyait sur des chiffres qui avaient plus de 10 ans, alors qu'il eût été relativement facile de consulter des données plus récentes.

S'il est vrai que la Russie perdait presque 1 million d'habitants par an à la fin des années 90 et au début des années 2000, aujourd'hui, grâce à la reprise de la natalité, la population recommence à augmenter.


Le taux de fécondité

Le taux de fécondité, qui était tombé de manière catastrophique à 1,17 en 1999, est remonté à 1,76 en 2014, un des meilleurs chiffres d'Europe. Et cela, grâce à une politique extrêmement déterminée d'aide aux familles.

Les taux de natalité et de mortalité, qui ont connu un bilan négatif de moins six points en 2005, laissent la place aujourd'hui à un bilan positif.


La criminalité

La criminalité, qui était devenue une des plus fortes du monde à la fin des années Eltsine, est en très fort recul depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, et, bien que toujours très élevé par rapport aux normes européennes, le nombre des homicides a diminué de plus de la moitié.

Par rapport aux USA, la Russie, sur certains points, fait nettement mieux. 


Source : Nation Master.

La Russie face à la crise

La crise que connaît la Russie depuis 2014 est présentée par nos médias et nos politiciens comme insurmontable par la Russie de Poutine, qui serait impuissant et ne saurait pas quoi faire. Systématiquement, les journalistes présentent les effets des sanctions d'une part et de la chute du pétrole d'autre part comme un tout cohérent, et se servent de la crise pour tenter de démontrer l'efficacité des sanctions. En réalité, les deux problèmes sont extrêmement différents et ne sauraient être mélangés.

Les conséquences des sanctions

Dans la crise actuelle, les sanctions ne représentent que 30 % des pertes financières de la Russie, dans les 30 milliards de dollars annuellement, et n'auraient en réalité que peu d'impacts par elles-mêmes, surtout si l'on considère que les pertes pour l'Europe sont probablement plus fortes, dans les 100 milliards de dollars, d'après l'institut autrichien d’études économiques Wifo. 

C’est en Allemagne que l’impact de la crise russe serait le plus fort. Berlin pourrait perdre, du fait des sanctions imposées à la Russie, près de 27 milliards d’euros, soit un peu plus de 1 % du PIB. 500.000 emplois seraient, en outre, menacés à terme outre-Rhin. Les économies de la France, de l’Espagne, de l’Italie, de la Pologne, et de l’Estonie, devraient également pâtir de la crise russe, selon Wifo.

Au premier trimestre 2015, les exportations françaises vers la Russie ont chuté de 33,6 % sur un an, selon les chiffres d’Eurostat et du FMI. Wifo ne tient pas seulement compte de la baisse des exportations mais également de l’impact négatif de la crise sur le tourisme. Le nombre de nuitées de visiteurs russes à Paris au cours de l’hiver dernier a ainsi reculé de 27 %, entraînant un manque à gagner estimé à 185 millions d’euros par rapport à la saison hivernale précédente. La France pourrait ainsi, à terme, voir son PIB amputé de 0,5 % et perdre quelque 150.000 emplois du fait de la crise russe, avance Wifo.

Le secteur agro-alimentaire est en première ligne, avec 265.000 emplois menacés selon l’institut autrichien (devant le commerce avec 225.000 emplois). En août dernier, Moscou avait annoncé, en représailles contre les sanctions européennes, un embargo sur les produits agro-alimentaires comme le lait, les fruits, les légumes, le fromage et la viande en provenance de l’Union Européenne.

En septembre 2014, la Russie a, en outre, décidé d’interdire à ses entreprises de souscrire à des marchés publics pour l’achat de biens industriels légers à l’étranger. Sont concernés les contrats militaires mais aussi les tissus, vêtements, chaussures et cuirs.

La question des prix du pétrole

C'est une question sans rapport avec celle des "sanctions". La dégringolade du baril de pétrole, qui se rapproche des 40 $, est essentiellement le résultat de la stratégie de l'Arabie Saoudite, qui veut étouffer les producteurs de pétrole de schiste. Ceux-ci, dont les coûts d'exploitation dépassent en général les 60 $ le baril, n'arrivent plus à vendre, et sont contraints de stocker. Pour l'instant, ils n'ont pas encore baissé notablement leur production, mais quand les capacités de stockage seront arrivées à leur maximum, ils seront probablement contraints d’arrêter la production, et les entreprises risquent de fermer les unes après les autres. C'est un bras de fer entre Arabes et Américains, et personne ne peut dire aujourd'hui qui sortira vainqueur. Dans ce jeu, la Russie est évidemment concernée au premier chef, mais elle se trouve dans le même camp que l'Arabie Saoudite, c'est-à-dire celui des producteurs de pétrole classique. Autrement dit, si la stratégie saoudienne fonctionne, une fois les producteurs de pétrole de schiste ruiné, les Saoudiens feront remonter les prix du pétrole au-dessus des 100 $, et les Russes ressortiront grands vainqueurs de cette confrontation. 

Que se passe-t-il d'ailleurs à l'heure actuelle ? Les Asiatiques, en particulier Chinois et Hindous, comprenant bien qu'il n'était pas du tout de leur intérêt de voir la Russie dans des difficultés économiques importantes, ont réorienté leurs approvisionnements en matières premières, en particulier pétrole et gaz, en faveur de la Russie, et au détriment des pays du Golf. Avec une augmentation de ses exportations de 25 % en 2014 et probablement de plus de 30 % en 2015, la Russie en deux ans aura augmenté ses ventes de plus de 60 %, ce qui permet de compenser l'essentiel des pertes dues à la chute des prix, environ 40 %. De la sorte, c'est en réalité la réaction de solidarité des Asiatiques contre les sanctions qui permet aux Russes de surmonter le problème pétrolier. Au total, les sanctions auront été particulièrement bénéfiques pour la Russie.


L’Allemagne et le gaz russe

L'attitude de l'Allemagne face au gaz russe est particulièrement perverse : d'un côté, tout a été fait pour mettre fin au projet southstream, et tout est encore fait pour casser des projets alternatifs de livraison de gaz russe directement à l'Europe du sud, qui en a un grand besoin. Mais de l'autre côté, l'Allemagne ne cesse d'augmenter ses importations, et 2 nouveaux gazoducs reliant directement la Russie et l'Allemagne via la Baltique sont en discussion. Quel est le sens de tout cela ? C'est très simple : l'Allemagne veut que le gaz russe passe par chez elle, pour le revendre ensuite à l'Europe du sud, moyennant son bakchich au passage. Et quand on voit les bénéfices que tire l'Etat allemand de la vente de gaz aux particuliers, on comprend que c'est un business vraiment juteux !

Les revenus de la Russie provenant du gaz et du pétrole sont donc loin d'être en péril. D'après les données de la banque mondiale, le solde du compte courant de la Russie restera toujours très positif en 2014 et 2015, malgré la crise, qui devrait être terminé en 2016. Le tableau suivant montre que les finances de la Russie se portent beaucoup mieux au cours de cette crise que celles de l'Angleterre par exemple, des États-Unis ou du Canada.


La population russe souffre-t-elle vraiment de cette crise ? le gouvernement est-il vraiment impuissant ?

En fait, par une politique très ferme et très habile, le gouvernement a imposé aux entreprises, durant la crise, de conserver la totalité de leurs employés, quitte à réduire les horaires, voire les salaires ; le pouvoir d'achat a effectivement chuté de plus de 9 % ; en revanche, le taux de chômage estresté extrêmement faible, atteignant au mois de mars 2015 un maximum de 5.9, et il recule de nouveau depuis. On comparera ces chiffres avec ceux de la France, ou d'autres pays européens.

La santé financière de l'État russe

c'est probablement un des points où la propagande occidentale atteint les plus hauts sommets de mensonges. Certains journaux sont allés jusqu'à affirmer que la Russie pourrait être bientôt en défaut de paiement. Mais pour être en défaut de paiement, il faudrait qu'elle doive effectivement payer quelque chose ; or la dette totale de la Russie ne dépasse pas aujourd'hui les 200 milliards de dollars, quand ses réserves financières se montent à peu près au double de cette somme. La carte ci-dessous montre clairement que ce sont les États-Unis et l'Angleterre, la France et l'Allemagne ensuite, qui ont surtout des soucis à se faire pour leur dette ; mais les finances de l'État russe sont parfaitement saines.

La démocratie en Russie

Toute notre presse répète en permanence que la Russie est une dictature, qu'il n'y a aucune vie politique, que l'autoritarisme de Poutine rejoint celui de Staline, et que tous les opposants sont systématiquement assassinés. Cela a à peu près autant de rapport avec la réalité que les histoires de grand méchant loup dans les contes pour enfants.

Quand on parle de la démocratie en Russie, il faut se rappeler que le pays sort de plusieurs siècles d'autocratie impériale, de 70 ans de dictature, et de 10 années d'anarchie. Si le pays a connu de belles périodes politiques dans le passé, l'autocratie inventée par Ivan le terrible a mis fin à toute vie politique un peu libre depuis le XVIe siècle. Lorsque Vladimir Poutine arrive au pouvoir, il n'existe aucune tradition ni aucune structure politique permettant de faire vivre effectivement une démocratie, et ce n'est d'ailleurs pas le principal souci des habitants, qui veulent d'abord voir se reconstruire le pays sur le plan économique. Cela exige avant toute chose la stabilité politique. D'autre part, les dirigeants de l'époque Eltsine, qui ont infligé au pays une politique ultralibérale qui l'a mis à genoux, ont donné au peuple russe une très mauvaise image du libéralisme. Igor Gaïdar, premier ministre de Boris Eltsine, responsable de ce choc d'ultralibéralisme, a plus fait pour le communisme en trois ans de temps que le parti communiste lui-même en 70 années de règne. Probablement, le nombre de communistes convaincus n'avait jamais dépassé les 10 % au temps de l'URSS. Lorsque les russes ont découvert le libéralisme d'Igor Gaïdar, l'électorat du parti communiste a atteint les 30 %. 

La priorité des Russes aujourd'hui est la reconstruction du pays, pas les débats politiques. Ils jugent le gouvernement à son efficacité, et non pas à l'intensité des débats. Cependant, une vraie démocratie est en train de se mettre en place ; de fait, avec l'élection de Vladimir Poutine en 1999, c'est le FSB (ex KGB) qui a pris en main la reconstruction du pays avec une certaine fermeté politique, mais qui était totalement indispensable, au vu de l'État d'anarchie qui y régnait alors. Aujourd'hui, si le paysage politique de la Russie est dominé depuis une bonne dizaine d’années par Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, celui-ci est loin d'être toujours le seul. Contrairement à ce que raconte toute la presse, loin de reculer sur ce point, la vie politique russe progresse régulièrement dans la voie de la démocratie. Les partis politiques sont plus nombreux, les Russes prennent l'habitude d'avoir des élections, les débats s'ouvrent, et avec le retour progressif de l'ordre dans la nation, l'élévation du niveau de vie, on peut espérer que la vie politique russe sera bientôt aux normes démocratiques occidentales.

De fait, le paysage politique russe aujourd'hui ressemble beaucoup à celui de la France, avec un parti du président libéral et conservateur, proche des Républicains français, avec à sa droite une opposition nationaliste, à gauche un parti communiste assez fort, et entre les deux des partis qu'on pourrait comparer aux centristes ou au parti socialiste, mais qui ne font que peu de voix.

Le général Gilles Gallet résume ainsi la situation : 

"La Russie est néanmoins, depuis 24 ans, un État de droit qui comporte des éléments de démocratie en gestation : un début de pluralisme politique, une liberté d’expression au moins dans la presse écrite, sur quelques radios moscovites et sur le net ; des élections ouvertes, une liberté d’entreprendre et de s’enrichir évidente, une liberté totale de déplacement à l’étranger. Elle possède tous les instruments institutionnels d’un État démocratique : parlement bicaméral, cour constitutionnelle, président élu, constitution, représentant des droits de l’homme. Cependant ces fonctions sont souvent tenues par des hommes issus de l’ancien appareil du parti. Tout se passe comme si on appliquait à la lettre ce que recommandait Ivan Iline au début du XXe siècle : éviter de compromettre la démocratie en l’introduisant de force, par le haut, dans une société mal préparée qui ne saurait pas en retirer tous les avantages. C’est pourquoi la Russie a érigé la stabilité au rang de projet politique ; c’était essentiel aux premiers temps de la disparition de l’Union soviétique et cela a évité le pire." (Pour une Russie européenne, l'Harmattan, 2016, p. 15)


Les principaux partis politiques russes. 

Russie unie

Russie unie est un parti politique russe fondé en 2001 par la fusion du parti Unité et du parti pan-russe “patrie”. Russie unie est le parti du Président Vladimir Poutine, qui en est le leader, et du Premier ministre Dmitri Medvedev. Ce parti politique suit une ligne politique conservatrice et n’est membre d’aucune organisation politique internationale. Le parti Russie unie a remporté les élections législatives russes de 2003, 2007 et, plus récemment, de décembre 2011.

Parti communiste de la Fédération de Russie

Le Parti communiste de la Fédération de Russie est un parti politique russe fondé en 1993 pour succéder au Parti communiste d’Union soviétique (PCUS), l’ancien parti unique du régime communiste. Dirigé depuis sa fondation par Guennadi Ziouganov, il ne se contente pas de suivre une ligne politique marxiste-léniniste, mais défend également des positions nationalistes. Contrairement au PCUS d’après 1956, le Parti communiste de la Fédération de Russie défend le gouvernement de Joseph Staline. Depuis 1993, le Parti communiste a obtenu des scores oscillant entre un peu plus de 10% et 25% des suffrages.

Guennadi Andreïevitch Ziouganov, chef du parti communiste russe, et principal opposant du pays.

Russie juste

Russie juste est un parti politique russe fondé en 2006 par la fusion de Rodina (socialiste), du Parti russe de la vie (libéral) et du Parti russe des retraités. Présidé depuis mars 2011 par Nicolas Levitchev, Russie juste suit une ligne politique sociale-démocrate et est membre consultatif de l’Internationale socialiste. Ce parti, dont la création a probablement été favorisée en sous-main par le Kremlin, a jusque ici soutenu les candidatures de Poutine ou de Medvedev à la présidence de la Fédération de Russie, tout en critiquant parfois la ligne trop droitière de Russie unie et en demandant des réformes démocratiques.

Parti libéral-démocrate de Russie

Le Parti libéral-démocrate de Russie est un parti politique russe fondé dès le mois d’avril 1991, peu après l’instauration du multipartisme. Dirigé depuis sa fondation par Vladimir Jirinovski – qui s’est fait connaître en Europe occidentale pour ses dérapages verbaux dans les années 1990 – , le Parti libéral-démocrate de Russie est un parti politique ultra-nationaliste. Ce parti demande notamment que la Russie retrouve “ses frontières naturelles”, c’est-à-dire qu’elle ré-annexe les anciennes républiques soviétiques et soutient, comme premier pas, le projet d’union avec la Biélorussie. Le Parti libéral-démocrate de Russie est également violemment anti-américain.

Iabloko

Iabloko – dont le nom signifie “la pomme” – est un parti politique russe fondé en 1993. Iabloko est le plus grand parti démocratique d’opposition à Vladimir Poutine. Ce parti politique libéral, membre de l’Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe, n’est toutefois pas représenté à la Douma depuis 2007, faute d’atteindre le quorum fixé à 7%. Iabloko a vivement contesté les résultats des élections législatives russes de décembre 2011.

Les autres partis

La Russie compte actuellement 77 partis politiques contre 7 en 2012, grâce à l'adoption d'une loi simplifiant la procédure de leur enregistrement, a annoncé le vice-président de la Commission électorale centrale de Russie (CEC) Léonide Ivlev. 68 des 77 partis politiques enregistrés en Russie sont autorisés à participer aux élections de différents niveaux (contre 65 à la fin de 2013). 

Aux termes de la loi en vigueur depuis avril 2012, le nombre de membres indispensable pour faire enregistrer un parti politique a été divisé par 80, passant de 40.000 à 500 personnes.

Lors des dernières élections législatives de décembre 2011, 450 sièges étaient à pourvoir : majorité simple : 226 voix - majorité qualifiée (2/3) : 300 voix. Elles ont été remportées par Russie unie, avec une majorité absolue de 238 sièges et 49,32 % des voix. Le Parti communiste (KPRF) obtient 19,19 % des voix, le parti Russie juste (SR) 13,24 %, le parti libéral-démocrate (LDPR) 11,67 %, enfin le parti libéral Iabloko 3,43 %.

comme on le voit, le parti présidentiel n'a pas réussi à remporter la majorité absolue des voix, ce qui n'est pas vraiment une caractéristique des dictatures.


La prétendue opposition libérale

qu'est-ce donc que cette « opposition libérale » dont parle sans cesse la presse occidentale, et que Vladimir poutine aurait laminé ? En réalité, il s'agit des derniers débris de l'équipe qui entourait Boris Eltsine dans les années 90, dont le degré de corruption atteignait des records historiques, et dont l'activité essentielle consistait à s'emparer des biens de l'État, sous couvert de nationalisation, soit pour en monopoliser les bénéfices, soit pour les revendre à des compagnies américaines. Ces personnages sont aujourd'hui totalement déconsidérés en Russie, et n'ont plus aucun avenir politique. Mais ils ont évidemment la préférence des autorités américaines, du simple fait qu'ils se sont montrés très avides à l'époque de se faire acheter par celles-ci.

il s'agit en particulier de Michael Khodorkovski, Boris Nemtsov, Alexeï Navalny, ou encore de la fille d'Igor Gaïdar.


Khodorkovski

Michael Khodorkovski est présenté par la presse occidentale comme un opposant libéral à la dictature de Poutine. Ce serait un démocrate, et un éventuel candidat présentable à la succession de l'actuel président. Certains journaux vont presque jusqu'à en faire un martyr, à cause des années qu'il a passées en prison. Il peut donc être utile de rappeler comment cet individu a mené sa carrière. Profitant de son alliance avec la famille Eltsine, il avait, en 1995, racheté le groupe pétrolier Ioukos pour 360 millions de $, lequel groupe vaut en réalité plus de 30 milliards. Derrière lui se tenait évidemment Exon qui devait ensuite racheter Ioukos. L'escroquerie en bande organisée est absolument flagrante, c'est comme si F. Hollande vendait le château de Versailles à Julie Gayet pour 5 millions. Dans n'importe quel Etat de droit, les deux partiraient immédiatement en prison, même si les papiers étaient en règle. En 2005, il est condamné à 9 ans de prison - ce qui est particulièrement clément. Libéré, il attaque l'Etat russe devant la CEDH, et celle-ci lui donne raison. Voilà le genre d'individus que soutient la justice européenne, et qu'on nous présente comme un homme politique défendant la « démocratie » contre « l'infâme dictateur » Poutine, lequel a rendu Ioukos à l'Etat russe pour que les bénéfices abondent le budget de l'Etat, et permettent de faire fonctionner les services publics.


Nemtsov

la presse occidentale a accusé Poutine de l'avoir fait assassiner ; cela n'a absolument aucun sens; Nemtsov n'était vraiment pas quelqu'un d'une importance telle qu'il aurait fallu s'en débarrasser; la dernière fois qu'il s'était présenté à des élections il avait fait 5%; en tant qu'ancien ex-vice premier ministre d'Eltsine, sa réputation était épouvantable; il était considéré comme un des artisans du système des oligarques qui pourrit la Russie encore aujourd'hui; sa carrière politique était complètement finie depuis longtemps, et toutes ses tentatives pour revenir ne faisaient que l'enfoncer davantage; la presse occidentale en fait un "visionnaire", un homme politique qui aurait fait trembler Poutine; c'est une mauvaise plaisanterie! On a raconté qu'il préparait un rapport sur la présence de l'armée russe en Ukraine, et que cela aurait fait peur. Or, des rapports sur la présence russe en Ukraine, l'OTAN en rédigeait un par semaine; ils étaient publiés dans tous les journaux, y compris dans la presse officielle, et le Kremlin n'en avait rien à faire. 


Alexeï Navalny

Présenté par toute la presse occidentale comme un individu exceptionnel, Navalny présente toutes les caractéristiques d'un agent infiltré de la CIA ; il a fait toutes ses études aux États-Unis, et puis est retourné en Russie pour y monter d'une part des affaires douteuses, et d'autre part se livrer à de l'agitation politique. Dès le départ il a bénéficié d'un soutien inexplicable de la presse anglo-saxonne, en particulier du quotidien économique Vedomosti, qui est une émanation du Wall Street Journal. Bénéficiant d'une incroyable publicité, il a pu se présenter à la candidature à la mairie de Moscou, et recueillir 30 % des voix. Il a su également s'infiltrer dans les milieux d'affaires, au point d'arriver à se faire nommer au conseil d'administration d'Aeroflot. Il a ensuite connu quantité d'ennuis avec la justice pour des questions de détournements de fonds, ce qui l'autorise à crier à la persécution politique. C'est le portrait type des politiciens corrompus de l'époque Eltsine qui avait tout le soutien de l'administration américaine.

Le micro-parti qu'il a fondé, Parnass, est scandaleusement présenté par certains médias comme le principal parti d'opposition, alors qu'il n'a pratiquement pas d'adhérents. Sa ligne politique, ultra-libéral et ethno-russe, va complètement à l'encontre de la mentalité du pays. Il flirte en particulier avec des mouvements ultra-nationalistes de réputation particulièrement douteuse. 


Maria Gaïdar

Elle est la fille de Iegor Gaïdar, et milite activement contre le gouvernement de Poutine. Son père est le responsable de cette politique ultralibérale qui a fait sombrer l'économie russe dans la faillite à l'époque de Eltsine. Elle est aussi fortement soutenue par la presse occidentale, ce qui ne peut s'expliquer autrement que par le fait que les États-Unis n'ont d'autre rêve que de voir la Russie sombrer définitivement. 

 

Les mandats successifs de Vladimir Poutine

Sur la question des mandats successifs de Vladimir Poutine, il convient de recadrer le problème dans sa véritable dimension. On a effectivement l'impression que le pouvoir en Russie est aujourd'hui confisqué par un parti unique ; mais cette critique relève essentiellement de la polémique. Le texte de la constitution a été respecté à la lettre, et ce texte est à peu près le même que celui de la constitution française. Chez nous aussi, un ancien président a le droit de se représenter aux élections, et Nicolas Sarkozy pourrait le faire. Il est tout à fait possible qu'en certains endroits des urnes aient été bourrées, la démonstration en a d'ailleurs été faite par un mathématicien russe qui s'est penché sur l'étude des scores dans l'ensemble des bureaux de vote ; il n'en reste pas moins vrai que la popularité de Poutine a toujours été très forte, et que sa réélection à chaque coup est parfaitement logique. Elle est essentiellement due au redressement économique absolument remarquable du pays, et fort peu à une propagande acharnée : il faut préciser, car aucun journal européen ne s'y intéresse, que le pouvoir d'achat des Russes a été multiplié par 5 entre 1999 et 2014. Avec de pareils résultats, n'importe quel chef d'État dans le monde serait réélu automatiquement. Ce n'est pas parce qu'en France les présidents passent souvent leur mandat en dessous des 30 % et sont remplacés à chaque élection que nous sommes davantage en démocratie ! Les échecs successifs du parti au pouvoir ne sont pas une preuve du bon fonctionnement des institutions. Helmut Kohl est resté 16 ans au pouvoir, et personne n'a rien trouvé à y redire. La tradition américaine limite effectivement à deux mandats maximum le temps qu'un homme puisse rester à la présidence ; mais que voyons-nous ? Après les 8 ans de George Bush, il y encore eu les 8 ans de George Bush.  


Le contrôle de la presse en Russie, et ailleurs

La presse occidentale répète à l'envie qu'il n'y pas de liberté de la presse en Russie, et que toute opposition est complètement muselée; on cite en exemple l'affaire du journaliste russe sanctionné pour avoir parlé des relations supposées de Vladimir Poutine avec une championne russe ; or il ne s'agit pas ici de politique, mais de vie privée ; en Russie, les journalistes n'ont pas le droit de faire des articles sur la vie privée des gens sans leur accord, ce qui peut sembler tout à fait normal ; on autorise en Europe tout un tas de tabloïds à remplir leurs colonnes avec des sottises qui ne devraient intéresser personne, et on met ça au chapitre de la liberté de la presse. À l'inverse, quand deux anciens présidents de la république française (et trois anciens chanceliers d'Allemagne) affirment que dans l'affaire de la Crimée le droit est du côté de la Russie, aucun journaliste ni de droite ni de gauche n'ose rapporter leurs propos autrement qu'en les présentant sous un jour grotesque. Il est vrai que nos journaux ne se gênent pas pour critiquer Hollande, sa politique économique, etc., et que lorsqu'il s'agit des affaires françaises, les journaux semblent autorisés à s'exprimer librement. En revanche, dès qu'il s'agit des États-Unis, et en particulier de la politique étrangère menée par les USA, où que ce soit dans le monde, mais en particulier en Ukraine à l'heure actuelle, aucun organe de presse occidentale un tant soit peu important ne se permet la moindre critique. Il n'y a absolument que sur Internet et les réseaux sociaux que peuvent circuler un certain nombre d'informations, pourtant capitales. On nous amuse avec des histoires de fesses, et on prétend que c'est la preuve que la presse est libre, mais quand il s'agit de sujets aussi importants que la guerre en Europe, les journalistes sont priés d'être au garde-à-vous. À l'inverse, sur ces mêmes sujets essentiels, des organes de presse russes très importants comme la ‘Novaïa Gazeta’, la ‘Nezavissimaïa Gazeta’, et les organes communistes, n’hésitent pas à critiquer franchement Poutine, et on y lit même des articles encore plus critiques que dans la presse occidentale. La ‘Novaïa Gazeta’ n’hésite d’ailleurs pas à publier des articles qui ont tout l’air d’être des ‘Fakes’ ‘made in USA’. Le quotidien économique Vedomosti (les nouvelles) est une émanation du Financial Times et du Wall Street Journal, et sa ligne éditoriale est clairement dans l'opposition à Vladimir Poutine.

Juste quelques faits : il y a en Russie 3300 chaînes de télé, dont 6 contrôlées par le gouvernement, et 3 diffusées à l’échelle nationale, avec une couverture du territoire russe estimée a plus de 90%: Perviy KanalRossiya et NTV. On compte des centaines de titres de journaux, dont un grand nombre d'oppositions, en particulier tous les journaux communistes, qui sont puissants et virulents, la revue économique Kommersant, une des plus lues, les quotidiens comme la Novaïa Gazeta ou la Nezavissimaïa Gazeta, qui sont très répandues. Le Moscou Times, publié en anglais et en russe, se déchaîne contre le gouvernement sans vergogne. Les chaînes anglo-saxonnes comme la BBC, Euronews, CNN, émettent en langue russe, et ce n'est pas pour soutenir Poutine. Il n'y a aucune censure sur internet, où tous les médias du monde sont accessibles. Laisser croire à des Européens qui n'ont jamais mis les pieds en Russie que les pauvres russes en seraient réduits à regarder la seule chaîne d'Etat pour s'informer, ce n'est même plus de la propagande, c'est se moquer du monde.

Les États-Unis interdisent que leurs organes de presse soient contrôlés par des étrangers  ; la Russie en a fait autant, et tout le monde crie au scandale. Comment expliquer la servilité de l'ensemble de notre presse à l'égard de la politique étrangère des USA autrement que par le fait qu'elle est financièrement contrôlée ? On constate d'ailleurs que, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, nombre de dirigeants anglo-américains, en particulier David Cameron, proposent aujourd'hui de contrôler l'information sur Internet, c'est-à-dire d'y établir une censure planétaire. La lutte contre le terrorisme semble ici un pur prétexte pour interdire aux réseaux sociaux de diffuser toute information qui ne soit pas politiquement correcte. La liberté de la presse est à l'agonie, et celle d'Internet semble sérieusement menacée. Kerry propose que ce soit l’ONU qui exerce cette censure ; mais comme les USA contrôlent l’ONU …

Avant d’écouter ou de lire un média, le réflexe des Russes est de savoir à qui il appartient. Voici donc une petite liste concernant des médias français :

Le Figaro : Serge Dassault.

Le Monde & Le nouvel Obs : Xavier Niel (le minitel rose), Pierre Bergé (Yves St-Laurent, Têtu) et Matthieu Pigasse (banque Lazard, Huffington Post).

Le Point : François Pinault.

Libération et L’Express : Patrick Drahi (SFR, Virgin Mobil, installé au Luxembourg et à Guernesey).

TF 1 : Francis Bouygues.

Canal plus : Vincent Bolloré, via Vivendi.

Point commun à tous ces braves gens : être milliardaires (ou presque), mais ce n’est sûrement pas ce qui les empêchera de défendre la cause du peuple. Au fait, quand on parle de « liberté de la presse », on parle de la liberté de qui, exactement ?


La Cia et la presse occidentale

D'autre part, quand on voit l'unanimité et l'empressement des médias occidentaux à calomnier la Russie jusqu'à en dégoûter tous les lecteurs, on ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a derrière un pouvoir qui organise cette propagande ; à qui profitent tous ces mensonges ? comment expliquer le soutien indéfectible de toute la presse occidentale à la politique étrangère américaine ? la question devient plus clair lorsqu'on observe le budget de la CIA. Celle-ci a-t-elle les moyens de se payer les services de l'ensemble de la presse occidentale ? Quelques chiffres :  l'Intelligence Community dont fait partie la CIA a aujourd'hui une capacité quasiment absolue de contrôler la presse occidentale; son budget est de 75 milliards de $ par an (https://fr.wikipedia.org/wiki/Central_Intelligence_Agency); là-dessus, elle peut se permettre facilement d'en utiliser 5 pour s'assurer la "sympathie" des journaux dans telle ou telle affaire, soit 50 millions disponibles en moyenne pour chacun des 100 principaux titres occidentaux. Le chiffre d'affaires du Monde est de 400 millions, avec 90 millions de dettes, et il serait en faillite sans une aide annuelle de l'Etat qui se montait à 18 millions en 2013; le chiffre d'affaires annuel de Libération est de 58 millions, et le journal ne vivrait pas non plus sans une rallonge annuelle de l'Etat de plusieurs millions; on voit ici ce qu'on peut peser sur une rédaction avec une moyenne de 50 millions disponibles par titre...

Voir : la stratégie de manipulation des masses


Les prétendues lois homophobes

L'attitude des médias occidentaux sur cette question relève d'une volonté de désinformer qui atteint à l'absurdité la plus complète. Dans un article du Point paru récemment, le journaliste donne pour preuve de l'homophobie de l'Etat russe le fait que l'homosexualité était considérée par la loi comme une maladie mentale jusqu'en 1999... Sans avoir l'air de se rendre compte que cet argument prouve précisément que la dernière loi homophobe a été abolie dans le pays depuis 16 ans. 

Ce qui existe depuis 2013, c'est seulement une loi protégeant les mineurs contre toute propagande homosexuelle, mais ce n'est pas plus une loi homophobe que l'interdiction des films pornographiques aux moins de 18 ans n'est une loi hétérophobe ! 

Il reste vrai d'autre part que l'homophobie est assez répandue en Russie, comme dans beaucoup d'autres pays, et qu'elle n'est pas sanctionnée par la loi comme elle devrait l'être; mais on ne peut confondre l'opinion et les mœurs de la population avec la loi. 


La russophobie

Toute notre presse passe donc son temps à entretenir des clichés éculés depuis des siècles, qui sont censés servir de base à la réflexion politique d'un certain nombre de nos contemporains. La Russie, c'est l'empire du mal depuis toujours, et elle le sera toujours ! L'idée de comparer, relativiser, mettre en perspective, prendre du recul, réfléchir, ce n'est toujours pas à la mode. Il est bien évident que la Russie n’a toujours fait aucun progrès sur la voie démocratique, et qu'elle demeure absolument infréquentable par ces modèles de respect des droits de l'homme et des peuples que sont les États-Unis. La prison de Guantanamo est probablement un modèle universel ; la guerre de Tchétchénie a été une horreur, et celle d'Irak une partie de plaisir ; l'ingérence de la Russie dans le Donbass est universellement condamnable, tandis que les États-Unis rétablissent l'ordre, la prospérité, et la démocratie partout ils passent, en Irak, en Afghanistan, en Syrie, etc. Les 800 bases américaines dans le monde ne sont rien comparées aux deux bases qu'ont les Russes hors de leurs frontières ; les 10 milliards de budgets annuels de la NSA et les 75 milliards de la CIA sont une goutte d'eau face aux centaines de millions du FSB ; les manœuvres militaires des Russes sur leur propre territoire sont une menace pour la planète, et nous devons nous sentir complètement rassurés par les manœuvres américaines dans les Pays Baltes, en mer Noire, en Méditerranée, en mer de Chine ; voilà comment on contribue sérieusement à la paix dans le monde. La Russie est un pays de voleurs qui pillent le pays, et leurs banquiers suisses, chypriotes, et surtout anglais sont des modèles de vertu financière ; d'ailleurs, un ministre du budget qui planque des millions en Suisse, ça ne peut arriver que chez eux ; la fraude fiscale organisée par les riches russes, qui atteindrait les 100 milliards de dollars, est incomparablement supérieure à celle des très honnêtes américains qui dépasse péniblement les 300 milliards ; d'ailleurs, chez eux il n'y a pas de milliardaire, et les inégalités sociales ça n'existe pas. De plus, la plus belle preuve que Poutine est un dictateur, ce sont les sondages qui disent que son taux de popularité frise les 90 % ; dans une vraie démocratie comme la nôtre, le président ne se permet pas de dépasser les 20 % ; s'il prétendait atteindre les 50 %, il serait immédiatement viré ! Quant à la sécurité des citoyens, elle est cent fois mieux garantie aux USA par l'autorisation du port d'armes ; que cela soit interdit en Russie démontre à l'évidence que c'est un pays de mafieux. Il n'y a d'ailleurs pas de mafia aux USA, l'argent de la cocaïne étant systématiquement réinvesti à la bourse de New York, tout est parfaitement honnête. Ils n'ont pas non plus de lobby de l'armement, comme en Russie, pas plus que de complexe militaro-industriel qui pourrait influencer la politique du gouvernement, et chacun sait très bien que le sénateur McCaïn n'a pas d'autre occupation que de distribuer des petits pains aux mendiants sur les places publiques. Vendre des armes pour faire tuer des gens, ça le dégoûte.

Voilà comment toute notre presse nous martèle l'esprit quotidiennement, en prétendant dénoncer la propagande russe.

(Voir à ce sujet le livre de Guy Mettan, Russie Occident, une guerre de 1000 ans; G. Mettan est député au Grand conseil du canton de Genève et président du Club Suisse de la Presse dont il est un membre fondateur.)

Bellingcat

L'astuce de la propagande anglo-saxonne va jusqu'à envahir l'espace des médias alternatifs, et à inventer de soi-disant informateurs indépendants, qui seraient tellement forts qu'ils deviendraient des experts reconnus par les autorités. Tel est le cas de Elliot Higgins, le fondateur de Bellingcat, qui prétend être un investigateur indépendant sur le MH-17, et qui est présenté sur Wikipedia comme un chômeur anglais qui, n'ayant rien d'autre à faire, ce serait d'abord intéressé aux armes utilisés en Syrie, par qui, où, et quand; le fait qu'il n'y connaisse rien et n'ait jamais étudié la question semble la preuve de son génie naturel; il s'intéresse ensuite au MH-17, et il aurait trouvé tout seul des preuves de la culpabilité des indépendantistes, rien qu'en utilisant des sources ouvertes; vraiment génial, puisque tous les services de renseignement américains n'y sont toujours pas arrivé; mais tous les grands journaux anglo-américains le citent comme une autorité technique incontestable; il est vrai qu'il supplée efficacement au silence assourdissant des services US. Ceux-ci n'ont jamais fourni aucune preuve, mais ce n'est pas grave, le preux chevalier Bellingcat est là. En fait, il est loin d'être le petit chômeur anglais en quête de la vérité qu'on nous présente; il est de fait "Visiting research associate at King’s College London’s Department of War Studies", et probablement un agent du MI6, déguisé en investigateur indépendant, avec pour mission d'arroser les journaux d'informations creuses, faute de preuves tangibles.


Les ONG américaines expulsées

La presse dénonce un prétendu « climat de peur » qui se répandrait en Russie dans l'ensemble de la société civile. De quoi s'agit-il en réalité ? Du contrôle financier et de l'expulsion éventuelle d'une douzaine d'organisations non-gouvernementales américaines, qui, sous couvert d'activités culturelles, se livreraient en réalité pour l'essentiel à des activités politiques. C'est en particulier par leur entremise que la CIA a organisé des révolutions de différentes couleurs dans d'autres pays (la fondation Soros en tête). La loi russe concernant ces associations, qui a été votée il y a quelques temps, est un copier-coller de la loi américaine correspondante. Or, depuis un siècle que cette loi existe aux USA, personne n'a jamais prétendu qu'il régnait dans le pays un "climat de peur" à cause de cette loi.

Après 1991, des pans entiers du droit soviétique ont été abandonnés, créant un vide juridique dans lequel la CIA (sous couvert d'action culturelle) s'est engouffrée. Il a fallu un certain temps aux Russes pour comprendre et réagir, ce qu'ils ont fait en votant un texte qui est tout simplement une quasi-traduction du Foreign Agents Registration Act; cela allait plus vite, et au moins ils étaient sûrs que le texte était conforme au droit international; évidemment, les ONG présentes actuellement en Russie devront ou prouver leurs bonnes intentions ou s'en aller. La presse présente cela comme une mesure monstrueuse, mais il ne s'agit que d'une mise à jour du droit russe, en conformité avec ce qui se fait partout le monde. 


Le point noir de la Russie : la corruption

il y a effectivement un gros point noir dans la Russie d'aujourd'hui, la corruption, mais qui remonte à longtemps, et dont il serait difficile de faire porter la responsabilité au président actuel, même s'il n'a pas réussi à la faire baisser bien au contraire.

L'habitude des fonctionnaires de se faire payer par les usagers remonte à la Russie tsariste; à cette époque, il faut aussi le préciser, la Russie ne se différenciait pas des autres Etats européens. Le communisme n'a rien arrangé : le marché noir était extrêmement important, et dans les périodes de pénurie, les fonctionnaires étaient particulièrement sensibles à toutes les formes de gratification, légales ou non. Mais c'est dans les années 90 que la corruption explose : la famille de Boris Eltsine donne l'exemple, en détournant des milliards de dollars, et dans cette période de folie et d'anarchie, c'est la course à qui s'enrichira le plus vite sur le dos de l'État, sans égard pour la misère du peuple.

Vladimir Poutine n'a jamais nié cette corruption, et n'a pas réussi à l'endiguer, même s'il a toujours déclaré vouloir lutter contre elle. Lorsqu'il arrive au pouvoir, les jeux sont faits : ces gens qu'on appelle élégamment des oligarques, c'est-à-dire des mafieux et des criminels, détiennent le pouvoir économique dans le pays; au cours des opérations de privatisation menées de manière scandaleuse, ils se sont enrichis de manière démente, en jouant sur tous les tableaux : magouillages en tout genre, sans hésiter à recourir à l'assassinat. La criminalité avait atteint des sommets indescriptibles.

Or, comment mettre cette population au pas, sans confisquer les biens mal acquis, et donc mettre fin à la libre entreprise, voire retourner au communisme ? Le gouvernement avait clairement décidé de rester dans la voie de la liberté économique, et d'intégrer la Russie à l'intérieur du système économique planétaire. Cela interdisait de renationaliser la totalité de l'industrie. Le choix de l'équipe de Poutine a donc été d'établir un compromis : les oligarques pouvaient conserver leur fortune, faire tourner leurs entreprises, à condition de travailler aussi dans l'intérêt de l'État, et de ne pas faire de politique. C'était un choix réaliste, mais qui sacrifiait les grands principes. 

Ce qui a rendu la lutte contre ces oligarques particulièrement difficile est entre autres le soutien objectif qui leur a été apporté par les Etats occidentaux. Beaucoup d'entre eux cherchaient naturellement à cacher à l'étranger les sommes fabuleuses qu'ils avaient détournées, et les banques occidentales, celles de la City de Londres en particulier, leur ont ouvert les bras en grand, au mépris de toutes les lois internationales. Certains estiment que les capitaux qui ont quitté illégalement la Russie se monteraient à 1 000 milliards de dollars. Ce chiffre est assez vraisemblable et ne paraît pas exagéré. Pour le gouvernement russe, tenter de lutter contre la corruption et les oligarques ne pouvaient avoir d'autres conséquences que d'accélérer encore ce mouvement de fuite des capitaux.

Le gouvernement russe a d'ailleurs pris fin 2014 une mesure de quasi amnistie pour tous ceux qui avaient caché des capitaux mal acquis à l'étranger, en leur assurant qu'ils n'auraient aucun ennui s'ils les rapatriaient en Russie. D'après certaines indications, la mesure aurait été efficace, et certains parlent du retour en Russie de plus de 300 milliards. Mais une telle mesure a évidemment comme inconvénient de sanctifier les détournements de fonds.

Quant à ce qui concerne les fonctionnaires, police, justice, etc., la situation ne s'est pas non plus améliorée : ceux qui avaient pris l'habitude de prendre des pourboires de 50 € quand ils en gagnaient 150, en prennent aujourd'hui 500. L'appareil entier de l'État fonctionne - ou plutôt dysfonctionne - de cette manière. Lutter contre ce phénomène relève de l'impossible gageure : par qui faire arrêter un policier corrompu ? Par qui faire juger un juge corrompu ? 


Conclusion 

Les progrès accomplis par la Russie en 15 ans sont tout à fait remarquables, qu'il s'agisse du redressement de l'économie ou de la recomposition de la société; certes, il reste encore beaucoup de difficultés, mais le pire est désormais loin derrière, et on ne voit pas ce qui pourrait l'empêcher de rattraper définitivement son retard dans les années qui vont venir. En dépit de tous les efforts des USA qui voudraient bien voir se disloquer la seule puissance militaire capable de leur tenir tête, la Russie a réussi à gagner la confiance des grandes puissances qui domineront demain la planète, et à se placer au centre de l'échiquier politique mondial. Au lieu donc de se livrer en permanence à une propagande anti-russe aussi ridicule qu'inefficace, les gouvernements de l'Europe feraient mieux de regarder la réalité, et de chercher les meilleurs moyens pour intégrer ce futur géant, au lieu de tout faire pour s'en faire un ennemi. 

Comment d'autre part expliquer l’immense popularité politique de Vladimir Poutine aujourd’hui, et le fait qu’en Russie actuellement aucun parti n’arrive plus à rassembler d’électorat un tant soit peu consistant autour d’un programme alternatif ?

La réponse ne se trouve ni dans une prétendue « propagande » qui serait toute puissante, ni dans la puissance du FSB qui parviendrait à étouffer toute opposition dans l’œuf, ni dans l’incapacité des Russes à imaginer d’autre politique, mais bien plutôt dans le besoin de retrouver l’unité de la nation. Les Russes ont compris depuis le développement de la crise en Ukraine que le véritable objectif des USA n’était absolument pas de soutenir la démocratie ou la liberté, mais bel et bien de faire exploser la Russie en pièces détachées, pour lui faire perdre toute sa puissance, et ce par n’importe quel moyen. La manière dont ils s’y sont pris pour couper l’Ukraine de la Russie a dévoilé clairement leurs méthodes et leurs intentions aux yeux de tous, même des plus naïfs. Jusqu’en 2013, les démocraties occidentales constituaient un espoir et un horizon pour l’ensemble de la population, et la popularité de Poutine dépendait de sa capacité à mener son pays dans cette direction. Mais depuis 2014, c’est la déception absolue à l’égard du mirage occidental et le sentiment du danger qui domine les esprits, ainsi que la nécessité de faire front commun contre la perspective de dislocation. Les Russes ont compris que le monde occidental ne les intégrerait jamais tant qu’ils formeraient une grande puissance, et que pour rejoindre le monde de l’ouest, il faudrait d’abord qu’ils se sabordent et renoncent à tout ce qu’ils avaient construit dans l’histoire.

Dès lors, pour l’ensemble du peuple russe, l’essentiel est redevenu leur unité, et l’horizon n’a plus été l’Europe, mais bien la Russie elle-même, une Russie retrouvant sa puissance de ses seules forces, et grande en ne cultivant plus que ses propres traditions. De quatre siècles d’autocratie, soixante-dix ans de communisme, et dix ans d’anarchie, les Russes sortaient comme découragés d’eux-mêmes et n’espérant plus qu’en leurs voisins. Il n’aura fallu, en fin de compte, que quelques mois aux Américains pour les réconcilier avec leur passé, leur histoire, leur culture, et les rendre de nouveau fier de leur nation. Vladimir Poutine incarne désormais cette confiance des Russes en eux-mêmes et leur fierté de leur pays, et c’est essentiellement pour cela qu’ils sont tous avec lui.